Madagascar et la première guerre mondiale

En ce centenaire de la fin de la première guerre mondiale, il convient de ne pas oublier les sacrifices que les troupes coloniales ont consentis pour la victoire finale.

Dans les années qui précédent le début des hostilités, l’inquiétude règne dans les cercles militaires. Le déséquilibre démographique entre la France et l’Allemagne n’est pas éloigné du simple au double en faveur de cette dernière. C’est un officier colonial, le futur général Charles Mangin qui pense trouver la solution en faisant appel aux ressources humaines des colonies. Cette proposition trouve un écho favorable dans l’opinion publique. Un journaliste du quotidien « Le Matin », Charles Messimy va jusqu’à écrire : « l’Afrique nous a coûté des monceaux d’or, des milliers de soldats et des flots de sang ; l’or nous ne songeons pas à le réclamer. Mais les hommes et le sang, elle doit nous les rendre avec usure. . . ». Le 7 Février 1912, est instauré un service militaire de quatre ans dans les colonies. Il permet aux indigènes de souscrire des engagements qui se veulent volontaires.

Tout au long de la première guerre mondiale, ce sont 607 000 combattants originaires d’outre mer qui sont engagés sur le front. 41 355 Malgaches sont appelés sous les drapeaux et 34 386 sont envoyés en métropole. A ces soldats s’ajoutent 5 535 travailleurs dont la majorité se retrouve dans les usines d’armement. Pour les allemands, ces soldats sont considérés comme des barbares, die schwarze, la force infâme. C’est ce qui explique la différence de traitement dont les prisonniers de cette Force Noire font l’objet. Les allemands oublient la manière la plus inhumaine avec laquelle ils se sont comportés dans leurs colonies d’Afrique.

Ces soldats d’outre mer participent avec honneur aux combats les plus durs, de la Marne à Dixmude, à Ypres, aux Dardanelles, Verdun et autres. A la fin des hostilités, ce sont 2 368 Malgaches qui sont déclarés morts pour la France. Parmi bien d’autres, citons un fait d’arme qui voit s’illustrer le 52ème Bataillon de Chasseurs malgaches lors de la seconde bataille de la Marne. Le 31 Mai 1918, au coude à coude avec les fantassins du 59ème Bataillon de  Chasseurs à Pieds, à quelques kilomètres de Château Thierry, ces deux unités se retrouvent encerclées par une force considérable. Bien qu’en infériorité numérique et cloué au sol par le feu ennemi, Malgaches et Français, malgré de lourdes pertes réussissent à rompre l’encerclement non sans avoir ralenti l’avancée allemande.

Que l’on pardonne à l’auteur de ces lignes d’avoir choisi cet exemple, mais son grand père a participé à ce combat. Il a fait partie des rescapés du 59ème Bataillon de chasseurs à Pieds.

Tout au long de ce conflit, la métropole impose à Madagascar de participer à l’effort de guerre. En 1913, les exportations en direction de la France s’élevaient 56 millions de Francs or. Elles atteindront 86 millions à la fin de 1917. L’administration coloniale encourage les cultures d’exportation. Aux produits de cueillette, caoutchouc, raphia, s’ajoutent les productions traditionnelles tels le riz et le manioc. L’élevage des bovins se développe, ce qui permet de ravitailler la France en viande frigorifique ou de conserve.

Après l’armistice, les combattants malgaches se retrouvent parqués dans des camps de transit avant d’être rapatriés dans la Grande Ile. Certains d’entre eux sont porteurs du virus de la grippe espagnole. Cette épidémie qui a fait en Europe autant de victimes que la guerre se répand à Madagascar.  On déplore plus de 85 000 morts dont, environ, 21 000 en Iméra.

Au lendemain de cette guerre, le sang versé par ces soldats venus de toutes les colonies les soude à  la patrie française. « Par le sang versé », sera le titre d’une loi initiée par Philippe de Gaulle et adoptée à l’unanimité par le Parlement en… 1999. Elle confère la nationalité française à « tout étranger ayant servi dans les armées françaises  et  ayant été blessé au cours d’un engagement opérationnel ». Ce n’est que le 1er Janvier… 2007 que les pensions des vétérans coloniaux seront alignées sur celles des soldats français.

La France n’a pas à se glorifier d’un tel attentisme vis-à-vis de ceux envers lesquels elle a contracté une dette de sang et d’honneur.