Les premiers missionnaires
Ce sont les Portugais qui, les premiers, ont essayé de prendre pied à Madagascar et de propager la foi catholique. Ce fut un échec. C’est à partir du XVIIe siècle que les Européens étendent petit à petit leur présence, non seulement au travers des traitants (nom donné aux trafiquants), mais aussi des missionnaires. Cela ne se déroule pas sans drames, comme celui de la tentative d’implantation des Français à Fort Dauphin dont les colons furent massacrés à Noël 1672.
Angleterre
Au début du XIXe siècle, les guerres du 1° Empire avec l’Angleterre prennent fin avec la signature du traité de Paris en 1814. La rivalité franco-britannique va pouvoir s’exercer d’une nouvelle manière, et comme nous allons le voir, entre autre, à Madagascar. Dans la Grande Ile, c’est le roi Radama 1° qui est monté sur le trône en 1810. 7 ans plus tard, ce roi signe un traité avec la Grande-Bretagne : il a décidé d’ouvrir son royaume à la civilisation étrangère. En 1820, il fait appel aux premiers missionnaires protestants britanniques qui appartiennent à la London Missionary Society. Ils s’installent à Tananarive et ouvrent leur première école au sein même du palais. Ces missionnaires transposent la langue malgache en caractères romains ce qui va permettre l’usage de l’imprimerie. Malgré cette collaboration, Radama 1° et son peuple n’adhèrent pas à l’enseignement religieux que ces missionnaires s’efforcent de répandre.
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Sous Ranavalona 1°
Le 21 juillet 1828, Radama 1° décède dans de mystérieuses conditions. Sa veuve lui succède sous le nom de Ranavolona 1°. C’est une femme illettrée, autoritaire, idolâtre, superstitieuse et à la sexualité exigeante. Elle demande aux missionnaires protestants de limiter leur action à l’éducation et de cesser tout prosélytisme. À partir de 1835, les adhésions au christianisme se multiplient. Ranavolana 1° considère que le christianisme est un moyen d’infiltration du royaume au service des ambitions coloniales européennes. De sanglantes réactions se produisent et Madagascar connait ses 1er martyrs. La reine expulse les missionnaires. Après un règne de 33 ans, elle décède le 16 aout 1861. Si en Europe Ranavolana 1° est surnommée la « Caligula femelle », elle incarne aux yeux de son peuple la fierté nationale face aux ambitions étrangères. Son fils lui succède sous le nom de Radama II.
Sous Radama II
En 1855, clandestinement et malgré les risques en courus, un missionnaire français, le père Marc Finaz, s’installe à Tananarive et se lie d’amitié avec celui qui n’est encore que le prince héritier. Déjà avant son sacre, celui-ci promulgue une loi d’amnistie qui permet aux chrétiens de sortir de la clandestinité. Il tourne le dos aux idées de sa mère et ouvre Madagascar aux étrangers. Une compétition évangélique et politique qui va laisser des traces durables débute entre les missionnaires protestants anglais et catholiques français. Le mécontentement s’étend et l’anarchie s’installe dans le pays. La princesse Radobo, épouse de Radama II fait savoir qu’elle se désolidarise de la politique de son royal époux. Le 12 mai 1863, celui-ci meurt étranglé et tout le monde s’accorde pour affirmer qu’il ne peut s’agir que d‘un suicide.
Un mois plus tard, la veuve de Radama II est couronnée sous le nom de Rasoherina. Elle décède sans postérité le 1° avril 1868. Des manœuvres de palais permettent à l’une de ses cousines germaines de monter sur le trône sous le nom de Ranavalona II. Celle-ci a reçu une éducation chrétienne et sait lire et écrire l’anglais et elle est acquise au protestantisme. Le dimanche 29 février 1869, la reine et l’inamovible 1er ministre Rainilaiarivony sont baptisés par un pasteur protestant dans l’enceinte du palais en présence de la famille royale et des dignitaires de la cour. À la suite de ce sacrement, le mariage religieux entre la reine et son 1er ministre est célébré. La Grande-Bretagne continue d’étendre son influence par l’intermédiaire de ses missions évangéliques. Même si la liberté religieuse est rétablie, ces évènements sont considérés comme une injustice par les catholiques.
Les Norvégiens à Antsirabe
Les missionnaires anglais et français ne sont pas les seuls à s’efforcer de convertir les Malgaches. À partir de 1867 la Norvegian Society s’implante à son tour à Madagascar. Séduits par le climat et les vertus de curatives de la source thermale d’Antsirabe, ces missionnaires créent un centre de cure. Quelques années plus tard, l’occupant français en fera le « Vichy malgache »
Les Français
Le 13 juillet 1883, la reine Ranavalona II décède ans laisser d’héritier direct. C’est une nièce de la défunte que le toujours inamovible 1er ministre Rainiliairivony fait couronner sous le nom de Ranavalona III et qu’il s’empresse d’épouser. La situation entre la France et Madagascar continue à se dégrader. Un premier conflit débute en 1883 pour s’achever 2 ans plus tard. Les opérations militaires se sont enlisées et c’est la négociation qui s’impose sur fond d’âpre rivalité franco-britannique. En France, l’influence des missionnaires anglais est vivement critiquée.
Sur place, une guerre par la presse
Sur place, cet affrontement se poursuit par voie de presse. Le journal catholique « Resako » répond aux attaques du journal protestant « Ny Teny Soa ». Ils se qualifient mutuellement d’idolâtres et exhortent les Malgaches à suivre leurs confessions respectives. Pour les catholiques, les protestants sont des agents diplomatiques au service de la Grande-Bretagne. C’est ainsi qu’en 1883, la « Revue des deux mondes » affirme que les missionnaires protestants se sont rendus maîtres du gouvernement et des consciences malgaches.
Madagascar, vers une colonie française
À la suite de la conférence de Berlin en 1885, les puissances européennes se sont réparties leurs zones d’influences respectives en Afrique. Un accord est intervenu entre la France et l’Angleterre. Les Anglais en échange de Zanzibar laissent les mains libres aux Français à Madagascar ; on connait la suite. Le 28 février 1897, la reine Ranavalona est contrainte d’abdiquer. Madagascar devient une colonie française.
Les relations entre les missionnaires et l’administration coloniale sont ambigües. Nombre d’administrateurs coloniaux et autres gouverneurs sont francs-maçons, partisans de la laïcité voir d’un ferme anticléricalisme. En 1905, en pleines péripéties brutales de la séparation de l’église et de l’état, Paul Bert devait déclarer que « l’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation ». En effet, le colonisateur a trop besoin de s’appuyer sur les missionnaires sans oublier de les surveiller afin de savoir réprimer, à l’occasion, leur prosélytisme s’il risque de poser des problèmes à l’administration locale. Aux yeux des Malgaches cette attitude allait favoriser l’idée, loin d’être fausse, d’une collusion entre christianisme et colonisation.
Après la 1ère Guerre mondiale, les Papes Benoit XV et Pie XI sont conscients du danger que cette situation peut créer auprès des peuples colonisés. Dans leurs encycliques, il est affirmé que « le royaume de Dieu est au-dessus des nationalismes. . . un clergé doit être tiré de la population locale ». Un jeune clergé autochtone doit prendre la relève des missionnaires européens. A Madagascar, comme dans les autres colonies, ces pasteurs et ces prêtres vont s’éveiller au sentiment national et ils ne seront pas étrangers aux évènements qui vont conduire à l’indépendance de leurs pays respectifs.