98% des lémuriens menacés d’extinction

Les chiffres sont glaçants. Près d’1/3 des lémuriens sont au bord de l’extinction, d’après la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En cause, la chasse (illégale) et la déforestation, cette dernière étant très problématique à Madagascar, ainsi que le dérèglement climatique.

Un emblème de Madagascar

Les lémuriens sont un véritable symbole pour Madagascar. Vous les avez sûrement découverts à l’affiche d’un célèbre dessin animé.

Ils sont un attrait touristique indéniable de l’île, un moteur de la croissance économique, un emblème de la culture locale (sujet à de nombreux fady – interdits, tabous) et un agent de restauration forestière.

Le lémurien est un animal endémique de Madagascar, également très rare. Il s’est développé alors que l’île se détachait du continent africain, il y a plus de cent millions d’années.

Les primates les plus menacés sur terre

  • 31% des espèces de lémuriens de l’île sont aujourd’hui “en danger critique d’extinction ». 
  • 98% d’entre elles sont menacées. 
  • 13 espèces de lémuriens ont été placées dans des catégories de menaces plus élevées 
  • les lépilémurs septentrionaux ne sont plus qu’une petite cinquantaine : c’est l’espèce la plus menacée.

Focus : la liste rouge de l’UICN

La liste rouge de l’UICN a été créée en 1964. Il s’agit d’une base de données faisant acte de l’état de conservation des espèces végétales et animales sur notre planète. 

Les espèces sont classées en 9 catégories.

  • Espèce disparue.
  • Espèce ayant disparu de la nature et ne survivant qu’en captivité.
  • Trois catégories d’animaux en danger de disparition :
    • En danger critique d’extinction.
    • En danger.
    • Vulnérable.
  • Quasi-menacé.
  • Préoccupation mineure.
  • Données insuffisantes.
  • Non évalué.

Chaque catégorie est complétée par des critères quantitatifs pour préciser la nature du risque.

Lémuriens en danger : les causes 

Plusieurs facteurs expliquent la situation de ces primates :

La destruction de leur habitat naturel, liée à la déforestation croissante de Madagascar

Les lémuriens sont arboricoles, la couverture végétale de leur environnement de vie est donc nécessaire à leur survie. Les lémuriens disparaissent à mesure que leurs habitats forestiers sont anéantis par l’agriculture sur brûlis (une méthode qui consiste à défricher les champs par le feu avant de les cultiver de manière discontinue) et par l’abattage d’arbres pour le charbon et le chauffage. Cette pratique diminue la taille de l’habitat et provoque une grande perturbation des groupes. 

Le braconnage

Les lémuriens sont recherchés pour être vendus et domestiqués. 

« Les lémuriens nocturnes sont très faciles à capturer le jour pendant qu’ils dorment », explique le chef d’un village près de la forêt Vohibola. Les braconniers coupent les arbres autour de leur nid pour les piéger et les empêcher de fuir. Ils secouent ensuite le nid pour les faire tomber. 

La chasse aux lémuriens

Le lémurien est aussi recherché pour sa viande. La chasse constitue donc une menace supplémentaire, notamment pour l’espèce du Sifaka, bien qu’elle soit illégale et considérée comme fady (interdit/tabou). 

Changement climatique

Certaines espèces de lémuriens sont particulièrement sensibles aux changements climatiques. Prenons l’exemple du grand Hapalémur : les périodes de sécheresse étant de plus en plus longues, cela finit par réduire les pousses de bambou, nourriture principale du grand Hapalémur. 

Le lémurien à tête grise (Eulemur cinereiceps) a subi une importante baisse de sa population à la suite d’un cyclone en 1997. Cela a été particulièrement inquiétant puisque cette espèce compte déjà un indice de population faible. 

Pour l’espèce du Sifaka de Milne-Edwards, c’est l’augmentation des précipitations qui pourrait avoir un impact sur sa reproduction. En effet, la femelle n’est sexuellement réceptive qu’un jour par an, et les lémuriens étant moins actifs pendant les fortes pluies, leur opportunité de se reproduire pourrait être compromise. 

De plus, si la température continue d’augmenter, les lémuriens devront se déplacer vers d’autres zones pour survivre, car leur habitat naturel ne sera plus viable. 

Un lémurien au Parc de l'Ankarana

Un impact sur le tourisme 

Pour beaucoup, l’écotourisme a un rôle important pour sauver les lémuriens. “Les lémuriens sont la poule aux œufs d’or de Madagascar”, explique Jonah Ratsimbazafy, secrétaire général du GERP Madagascar. “Des milliers de familles dépendent des lémuriens parce que les touristes ne viendront pas observer des forêts vides.”

Le tourisme de l’île s’appuie notamment sur sa biodiversité exceptionnelle, dont 80% est endémique. Le lémurien en est un symbole.

La préservation de son milieu naturel, menacé par les dangers cités précédemment, est liée à l’équilibre écologique et au développement économique et touristique de Madagascar.

Madagascar - maki lémurien

Quelles solutions ?

Plan de conservation

Un plan de conservation a été mis en place : plus de 8 millions de dollars ont été récoltés pour protéger les lémuriens. Cela permet d’une part d’établir plus de zones protégées pour l’évolution des espèces, loin des ravages causés par la main de l’Homme. 

Écotourisme

Ces aires protégées et parcs nationaux sont également intéressants grâce à l’écotourisme qui participe au développement des villages (c’est le cas par exemple de la réserve villageoise de l’Anja, un petit paradis pour les lémuriens géré par la communauté locale).

Création d’emplois, versement d’une partie des recettes du prix d’entrée des parcs : le tourisme ainsi généré crée des alternatives économiques à l’agriculture sur brûlis (tavy) ou au braconnage. L’implication de la population vivant dans les zones concernées est nécessaire.

Un guide pouvant gagner un salaire intéressant lors de la saison touristique, d’anciens chasseurs de lémuriens se sont reconvertis en guides pour partager leur connaissance sur la forêt. Ils deviennent ainsi les meilleurs défenseurs de l’environnement.

Sensibilisation

Des projets éducatifs de sensibilisation ont également été mis en place avec les enfants et les jeunes. 

Programmes de conservation

Des programmes de conservation spécifiques ont également été développés. Nous pouvons citer par exemple « Saving Prolemur simus » aux alentours de la forêt d’Andriantantely, pour le grand Hapalémur que nous avons mentionné plus tôt.

Fin 2021, en parallèle du projet de l’USAID et WWF “Anti-corruption et lutte contre le trafic d’espèces”, la ministre de l’Environnement et du Développement Durable affirme que de nombreux lémuriens “ont été consommés entre 2020 et 2021, et on retrouve beaucoup de lémuriens dans des parcs et zoo internationaux, notamment en Europe et aux Etats-Unis.” Une tendance qui pourrait conduire à un nombre plus important de lémuriens à l’étranger qu’à Madagascar. 

En conclusion, il est urgent que les Hommes changent leur relation avec les autres primates et, de manière générale, la nature.